Le voyage de la caravane jusqu’à Urdir s'est bien passé. Pas de retard ni de soucis particuliers, des chasses fructueuses et un temps convenable. Si tout le monde a trouvé ce trajet presque reposant, j'avoue que j'ai eu du mal à m'y faire. Le rythme de vie de la caravane est très spécial et après des années de service auprès d'une jeune femme elfe, m'adapter aussi vite à tant de changements se révèle plus ardu que je ne l'aurais cru.

Doucement, je commence cependant à trouver des repères au milieu de ce monde nouveau et encore méconnu. La découverte du hamac, la conversation avec mon nouveau Maître, les échanges avec le soigneur et quelques discussions avec les employés attachés à la caravane Morag ont remplis la majorité de mon temps, en plus de mes exercices pour maîtriser davantage mes pouvoirs.

Comme je n'ai pas beaucoup à me déplacer, mon handicap ne représente pas un si grand obstacle que cela. Evidemment, ma vue tronquée rend ma vision du monde très limitée mais à taille de fée et quasiment tout le temps accompagnée, je trouve plus d'avantages que d'inconvénients à ma nouvelle situation. Enfin, jusqu'à maintenant...

"- Iron Bull ? Iron Bull, où êtes-vous ?
S'il vous plait, répondez-moi !"

Le vent s'est levé depuis notre arrivée à Urdir et j'avais quitté la caravane en compagnie d'Iron Bull pour venir découvrir un peu les lieux le temps du réapprovisionnement. Le Chef des gardes connait la ville par coeur et je l'écoute avec attention, suivant ses explications au gré de sa visite des divers commerces nécessaires. C'est au détour d'une place très passante que la rafale m'a brusquement soufflé de son épaule. Debout pour mieux parvenir à me repérer, j'ai été projeté contre le premier obstacle venu, à savoir un tissu servant de séparation entre deux échoppes.

Désorientée, il me fallut quelques instants pour retrouver mes repères et malgré mes appels, l'ogre ne semble pas m'avoir entendu. A t'il senti ma disparition ? Je n'en suis pas certaine. Je viens tenter de prendre un peu d'altitude, surtout pour ne pas risquer de me faire écraser par les gens pressés mais même arrivée à hauteur d'homme, je réalise que je reconnais rien. Ici, je suis perdue, totalement. Et le moindre passage un peu rapide près de moi me projette en arrière, m'empêchant de simplement avancer. Mais je ne peux pas rester là non plus.

"- S'il vous plait, excusez-moi....
Pardon, je suis désolée...
Est-ce que vous..."

Personne ne me prête la moindre intention, les plus pressés venant même me chasser d'un geste de la main comme un insecte gênant. Je suis ainsi ballottée sur quelques centaines de mètres avant de finir par percuter un nouvel obstacle. Une silhouette qui, une seconde, semble s'arrêter sur mon cas. Alors, je saisis ma chance, le ton implorant et le regard perdu.

"- Je vous en prie, je suis perdue et ...
Est-ce que vous pourriez m'aider ? "

- On sera récompensés?

Les mots me parviennent mais je ne parviens pas à en comprendre l'origine. La voix vient d'en bas, presque de loin alors qu'un contact léger sous mes pieds me permet de retrouver un équilibre plus traditionnel. Mais le vent soufflant toujours, je ne reste pas pas debout, venant m'asseoir le plus vite possible en repliant mes ailes comme je peux contre moi pour éviter toute prise au vent. Bon, au moins là, je ne suis plus secouée dans tous les sens.

- Je ne sais pas trop, où souhaitez-vous aller?
- Trop belle tes ailes!
"- Merci, moi aussi je les aime bien."

Deux voix. Une adulte et l'autre lus jeune, surement un enfant, je comprend mieux. Mon regard cherche un peu l'origine des sons, notant des teintes de couleur plus claires vers le sol et devinant l'origine du compliment sans voir plus. Alors, je relève la tête, cherchant à m'adresser à la personne qui me porte en cet instant. La voix semblait venir juste de devant moi.

"- Mon Maître s'appelle Hanzo Morag. Il est marchand d'esclave et sa caravane est stationnée actuellement dans la zone d'accueil d'Urdir. C'est là que je dois rentrer sans tarder. Nous devons partir pour Nuzrok sous peu et seule... Je ne vois pas assez pour réussir à y retourner."

Je n'arrive même pas à lutter contre le vent et garder un vol convenable ici. Une nouvelle rafale me force à m'accrocher à la main qui me soutient, pour ne pas de nouveau finir ballottée en tout sens. Je tente de rester calme mais je sens que je suis inquiète. Si je ne les retrouve pas, est-ce qu'ils partiront sans moi ? Non, je ne veux pas rester seule.

"- Je n'ai rien à vous offrir mais,... si vous pouviez au moins, m'indiquer la direction ou m'avancer un peu ?
Je ne suis jamais venue ici auparavant."

Même si j'ai été vendu plus chère que je n'aurais cru le valoir, je ne pense pas qu'une quelconque récompense puisse être offerte pour mon retour. Et je comprendrais que ces gens aient des obligations bien plus importantes que ma personne. Mais j'ai vraiment besoin de leur aide.

Je suis l'échange entre le jeune homme et l'enfant à ses côtés. Ils sont surement de la même famille, ils ont des voix qui se ressemblent un peu et un langage assez familier mais je peux aussi me tromper. Oh, ils avaient un voyage de prévus ? Je vais devoir trouver quelqu'un d'autre alors ? Non, il semblerait que finalement, leur portail pourra attendre. Vraiment ? En tout cas, le soulagement se lit sur mon visage.

- Nous allons vous ramener. Vous voulez rester dans ma main ou vous préférez vous installer dans la poche de ma veste? A moins que vous ne souhaitiez activer votre glamour?

"- Rester là, ce sera très bien. Les poches sont souvent un peu étroites pour mes ailes et... A taille humaine, j'arrive encore moins à me déplacer. Il y a beaucoup d'obstacles au sol et les chemins sont inégaux alors voler me reste plus simple.
Merci, de prendre de votre temps pour moi. "

Quand le vent me le permet. Et puis, mon Maître va chercher une fée alors c'est en restant ainsi que j'aurais le plus de chance de le retrouver. Même si sur le coup, rester en fée m'avait paru un peu étrange, avec mon handicap cela se révélait plus aisé malgré tout qu'en étant humaine.  

- Dis, t'es une esclave? Depuis longtemps? C'est quoi ton rôle chez ton maître?
- Ne pose pas de telles questions!
- Ah? Pourquoi pas?

"- Il n'y a pas de mal, rassurez-vous.
Eh bien, je suis née esclave donc je l'ai toujours été. J'étais la Dame de compagnie d'une jeune noble elfe jusqu'à il y a peu. Mais avec son mariage et mon 'souci', elle n'avait plus besoin de mes services. Maintenant, je suis ... fée de compagnie."

C'est assez surprenant à dire de la sorte mais c'est tout à fait vrai. Et puis, je n'ai pas honte de ce que je suis. Mon regard tente de suivre le chemin que nous empruntons mais avec les rafales qui me forcent à rester accrochée, je devine encore moins de choses que d'ordinaire. Une odeur me semble familière, ou le grain de voix d'une personne que l'on croise mais rien qui ne me rappelle encore à la Caravane. Alors, je viens continuer de répondre, tentant de regarder en direction de mon interlocuteur premier.

"- Mon maître aime beaucoup discuter. Il est très érudit et a parcouru plusieurs fois les terres d'Agaroth pour son travail. Les voyages peuvent se montrer long alors nous parlons. Des marchandises nécessaires, des exploits des membres de la caravane, des histoires de chacun, des veillées au coin du feu. Comme je ne vois pas bien, certains me décrivent aussi un peu les paysages, pour que je puisse m'en rendre compte. "

Mine de rien, ma place est plutôt enviable. Je suis bien traitée et même si j'ai encore quelques difficultés à me faire à la vie nomade, je commence aussi à trouver ma place parmi les membres du groupe. J'espère vraiment pouvoir le retrouver avant le départ de la caravane. Est-ce que Iron Bull va bien aussi ? Enfin, en attendant, revenons-en à mes sauveurs du jour.

"- Je suis désolée d'avoir du vous faire annuler votre promenade.
Puis-je vous demander ou vous deviez vous rendre ? Et comment puis-je vous appeler ? "

- A la plaaaaaaaaage!
- Ce n'est rien, ne vous en faites pas, il y aura d'autres occasions. Nous devions prendre le prochain portail pour Doln puis un autre vers les plages du Nord car mon petit-frère voulait voir la mer.

La mer. La Plage. Maintenant que j'y pense, je ne les ai pas vu souvent. Une ou deux fois, tout au plus, et cela remonte à très longtemps. Evidemment, l'évocation de Doln me parle beaucoup plus mais ce qui me fait le plus sourire reste la réaction du jeune garçon. Il semble vraiment avoir hâte de s'y rendre mais malgré tout, il accepte de m'aider avant, cela me touche vraiment.

- Appelez moi Kou et lui, c'est Léo.
- Enchanté petite fée! Comment tu t'appelles toi?
"- C'est un honneur, messires. Je m'appelle Hana-Yuki. Mais comme c'est une prénom un peu long et compliqué, je suis plus souvent appelée Nayiu. "

Tandis que nous continuons d'avancer, je crois reconnaitre une doeur de peau tannée. Il y avait un étal de cuir près de celui ou nous nous étions arrêtés pour acheter des plantes médicinales réclamées par Caleb. Enfin, il me semble.

- Dis, t'as pas envie d'être libre? Maman dis que les esclaves de naissance ne devraient pas exister.
- Léo !
- Quoi? J'ai fini ma bouche avant de parler et elle a dit "il n'y a pas de mal, rassurez-vous", alors je peux non?
Mais t'es pas obligée de répondre si tu veux pas.

Un peu surprise, je tente de trouver la silhouette qui vient de me poser cette étrange question. Son imitation aurait pu me faire sourire mais le fond de la question est bien plus important que ce détail et pour le coup, je cligne un peu des yeux avant devenir lever la main pour la poser sous menton, poru mieux réfléchir.

"- Eh bien... Je ne sais pas trop. Je crois que je n'y ai jamais vraiment réfléchi."

Etre libre, cela voudrait dire être seule. Me débrouiller par moi-même hors actuellement, je doute d'en être capable. Et puis, je ne suis pas malheureuse. Certes je suis une esclave mais je ne trouve pas cette vie particulièrement difficile, triste ou même contraignante. Quelque part, je pense qu'elle me convient.

"- Tout ce que je sais, je le tiens de mes différents Maîtres. Seule, je ne saurais pas me débrouiller aujourd'hui, encore moins depuis l'accident qui a abîmé mes yeux. Je leur suis redevable de prendre ainsi soin de moi alors c'est la moindre des choses de les servir en retour.
Je n'ai jamais connu autre chose alors, comment ferais-je si je devais être libre ? Je ne saurais pas...  "

Et bêtement, je crois que cette idée m'angoisse un peu. Que pourrait faire une fée malvoyante seule au milieu d'un tel monde? Je ne pourrais pas m'en sortir alors non, c'est inenvisageable. Et puis, la caravane m'apporte une véritable sécurité. Les membres en sont tous des gens bien et attentifs à mon égard, le Maître est juste et responsable alors non, je suis bien ici. Même en étant esclave.

"- Ma place est auprès de mon Maître. C'est là que je me sens utile et vivante. Je préfère laisser la liberté à ceux qui savent quoi en faire. "

- Pourquoi avoir un maître quand on peux avoir des amis et une famille? C'est triste que t'es eu un accident mais y a plein de gens comme toi qui sont pas esclaves et s'en sortent très bien. Attends.... Ça veut dire que t'as jamais était à l'école?
"- Hum... Non. "
- Tout s'apprend. Si les autres s'en sortent, pourquoi pas toi? En soi... Tu pourrais très bien faire la même chose en étant libre.

Faire la même chose en étant libre ? Je ne sais pas pourquoi mais l'idée me laisse perplexe. Il n'y aurait pas d'esclaves si cela existait. Hors, ce n'est pas le cas. Ma famille, c'est mon maître. la caravane est remplie de personnes amicales alors je ne vois pourquoi je devrais chercher ailleurs ce que l'on m'offre déjà. Oui, la liberté, ce n'est juste pas pour moi.

- C'est trop trop triste.
- Chacun son choix, Léo, mais laisser la liberté sans même avoir pu y goûter c'est en effet un peu dommage.
- J'ai finis mon sandwich, je peux avoir un autre truc?
- ... tu exagères.
- Juste un petit dessert! Je partagerais avec Naiyu. Tu veux quoi? Une glace? Une pâtisserie? Un biscuit? Tu devrais venir au manoir, maman fait les meilleurs biscuits de tout l'univers!
- Elle ne peut pas, elle doit rejoindre son maître.
- Pfff... C'est nul... Bon bah mangeons juste en marchant alors!

Je ne retiens pas le léger sourire qui se dessine sur mon visage en entendant Léo. M'inviter, vraiment ? Cette drôlement gentil comme attention en tout cas. Mais il faut vraiment que je rejoigne la caravane avant. Mine de rien, je sens que je demeure inquiète. Et si je ne parviens pas à les rejoindre, partiront-ils sans moi ? Que ferais-je dans ce cas-là ? Enfin, je chasse cette inquiétude pour en revenir à la question de Léo.

"- Est-ce qu'il y a une spécialité locale que vous me conseilleriez de goûter ? Comme vous avez l'air de bien connaître la ville, je vous fais confiance à ce sujet. "

Et puis, autant prendre quelque chose qu'il aimera manger aussi. Je reste une fée alors je n'ai déjà pas un énorme appétit et pour le coup, je sens que je demeure un peu angoissée alors, je doute de faire plus que grignoter un peu en goûtant ce qu'ils pourraient me proposer.

"- Excusez-moi si ma question est déplacée mais... Vous êtes de la même famille, n'est-ce pas ? Vos voix, elles se ressemblent un peu..."

Mais avec le vent, les mouvements et tout ce qui se passe autour de nous, j'ai du mal à en être certaine. Et ma vue est trop mauvaise pour m'être d'un quelconque secours à ce niveau-là.

- Oui!
- Léo est mon petit-frère.
- Je reviens vite! Avancez, je vous rattrape!

Je ne m'étais donc pas trompée à ce sujet. Ils sont bien de la même famille. Comme quoi, même si je ne peux plus compter sur ma vue, je peux encore me débrouiller autrement aussi. J'entend les pas disparaître rapidement avant que mon attention ne se reporte sur la voix du jeune homme me portant toujours.

- Je suis désolé, mon petit-frère est très curieux. Si ses questions vous embêtent, n'hésitez pas à le dire. Nous voulons vous aider, pas vous déranger.
Mais l'invitation était sérieuse. Si vous repassez sur Urdir nous serons ravis de vous revoir. Je crois qu'il vous apprécie beaucoup... Il s'attache très vite et très facilement.
"- Il a l'air très gentil en tout cas. Merci pour l'invitation et pour les questions, cela ne me dérange pas. "

Même si j'avoue que j'ai été surprise qu'un enfant si jeune me demande ce genre de choses en fait. Il est vraiment très curieux.

- TADAAAAA!
- Déjà? Tu as fait vite.
- La boulangère m'adore, je suis passé devant tout le monde.

Et gourmand visiblement. Alors, qu'a t'il ramené du coup ? Je devine du mouvement tout près de moi et je respire l'odeur de la pâtisserie sans réussir comme à savoir de quoi il s'agit. En tout cas, cela sent bon.

- Un chou à la pistache! Avec une adorable petite fleur. C'est beau et c'est bon.
En plus il y a une petite bille de sucre argenté. Miom miom miom! Euh... Comment je fais? Je coupe un micro-bout? Tu veux venir dans ma main pour manger?
"- Ta main a déjà l'air d'être bien remplie par le gâteau, non ? Ce serait dommage que nous tombions tous les deux.
Si tu peux juste m'en couper un petit morceau, cela serait parfait. "

Je laisse donc Léo s'occuper de venir partager la pâtisserie pour moi et en déposer un petit morceau dans la main de son frère, juste à côté de moi. Même ça, cela me parait énorme. Alors, en croquer un morceau et...

"- Hum, c'est délicieux.
Vous en voulez un peu aussi ?"

Mine de rien, même s'il s'agit d'un petit bout pour eux, pour moi il s'agit d'une part dont je ne verrais pas le bout toute seule.

- Je finirais quand vous n'en voudrez plus. Léo a... confondu son estomac avec le votre.
- Il a quoi mon estomac?
- C'est un puits sans fond.

Il est vrai que Léo semble avoir un appétit infini. Je souris tout en venant grignoter un peu de chou à la pistache et même si ce dernier est très bon, je ne ferais que picorer dedans. Malgré ma vision défaillante, je cherche à voir ou repérer des indices durant le parcours mais rien ne me semble familier. A moins que... Les éclats de voix plus puissantes et cette odeur de terre et d'animaux, elle me dit vaguement quelque chose maintenant.

- Votre Maître ne doit pas être loin, nous sommes arrivés dans la zone d'accueille. Vous n'en savez pas plus sur son emplacement? Est-il assez connu pour que les autres marchands puissent m'indiquer où il se trouve?
- Si on l'appelle très très fort, tu crois qu'il nous entendra?
"- Je suis certaine qu'il nous entendrait oui, mais ce ne sera pas nécessaire. La caravane Morag circule depuis des décennies, tout le monde la connait alors il suffira de demander. "

Et en effet, la première personne interrogée nous indique sans la moindre hésitation l'emplacement exact de la caravane. Je me suis relevée, debout dans la main de Kou' en tentant de percevoir des sons plus familiers et ce sont les voix de Caleb et d'Iron Bull Qui me parviennent en premier, me faisant sourire avant de m'agiter un peu. Et quand enfin eux m'aperçoivent également, je sens à la fois la tension qui les habitaient et le soulagement qui les envahis à présent.

Iron Bull se jette littéralement sur moi pour m'inspecter rapidement de son oeil valide. Il s'excuse de m'avoir perdu avant de prendre son téléphone pour appeler Hanzo. Caleb remercie Kou' et Léo de m'avoir ramenée avant de s'enquérir de mon état. Et comme je n'ai rien, il laisse Iron Bull me récupérer le temps que le maître nous rejoigne. Ce qui ne prit pas très longtemps. Je me fais des idées ou le garde serait encore plus soulagé que moi que j'ai réussi à rentrer ?

Une nouvelle forme d'agitation vient régner autour de moi avant que je ne me sente clairement soulevée par la main d'Iron Bull. Un peu déséquilibré, je peine à retrouver une station stable avant de remarquer l'arrivée d'une ombre plus imposante, au souffle visiblement saccadé.

Merci d’avoir retrouvé et ramené Nayiu, messieurs. Je suis Hanzo Morag, son maître. J’ai bien cru que nous l’avions perdu pour de bon.
Tu n’as rien, Nayiu ? Caleb t’a auscultée ?
Inutile, elle a juste été un peu secouée par le vent et la foule, voilà tout.
On peut dire que tu m’as fait une belle frayeur. J’ai cru que tu allais finir dans le ventre d’un chat. Je m’assurerai que ça n’arrive plus.

Moi aussi je me suis fait peur mais pour le moment, c'est le soulagement qui prend le dessus. Je suis passée de la main d'Iron Bull à celle d'Hanzo tout naturellement, le laissant vérifier mon état par lui-même. Non, je n'ai rien. Un sourire m'échappe alors qu'il me tapote la tête comme il en a l'habitude avant de venir m'installer assise sur son épaule. Voilà, ici je ne crains plus rien.

"- Je suis désolée. Je n'ai rien pu faire contre de telles rafales de vent et je n'arrivais pas à me repérer par la suite.
Heureusement, ces deux personnes ont acceptées de m'aider et m'ont ramenées. J'avais tellement peur que vous ne deviez partir sans moi."

Je n'ai pas réellement craint les chats ou les autres accidents possibles, totalement focalisée sur le départ prochain de la caravane. Je souffle profondément, soulagée d'être de retour avant de chercher les silhouettes de mes sauveurs afin de m'adresser à eux.

"- Merci beaucoup de m'avoir raccompagnée."

Iron Bull était responsable de toi. Il devait veiller sur toi. Je m’assurerai que ça ne se reproduise plus.

Cela voudra surement dire que je ne pourrais plus quitter la caravane à l'avenir. Je viendrais m'excuser auprès d'Iron Bull plus tard, pour ne pas avoir réussi à rester avec lui. Même s'il était responsable de moi, j'aurais du m'accrocher davantage. Au mins, je suis rentrée avant qu'ils ne partent.

Tu plaisantes !? Il a organisé la battue de tout le marché pour te retrouver ! Il y a encore une heure, Iron bull avait la joue en feu parce qu’il avait osé te perdre ! Partir sans toi ! Tu n’y penses pas !

Vraiment? Pourtant, je ne suis qu'une esclave. Enfin, le principal est là. Je suis de retour à la caravane en temps et en heure. Et entière qui plus est. Grace à Léo et Kou que je remercie sincèrement.

- De rien,
- Je vous en prie, nous n'allions pas vous laisser seule face à cette difficulté et ce vent.
- T'en fais pas, si tu te reperds, tu peux venir chez nous! On sera content de te voir.
"- C'est gentil, merci. "

Mais je ne compte pas me perdre de nouveau. J'avoue avoir aussi eu une belle frayeur et j'espère ne pas avoir à revivre ça prochainement. Et puis, même si je venais à les croiser de nouveau, il y a peu de chances que je les reconnaisse de moi-même. En tout cas, c'est vraiment une adorable proposition.

- Prenez soin d'elle. Bonne fin de j-
- On peux t'acheter?

Pardon ? Non, je n'ai pas du bien entendre. pourtant, le silence qui tombe sur les membres de la caravane est étrangement parlant. Je sens tous les regards se tourner vers l'Ogre, avant que ce dernier ne vienne se baisser doucement pour venir se mettre à la hauteur du jeune garçon. Je prends légèrement appuie sur la main qu'il dépose sur son épaule pour moi, afin de garder le meilleur équilibre possible. Heureusement que j'étais déjà assise en tout cas.

Non. Tu ne peux pas acheter Nayiu. Je suis marchand d’esclaves, mais Nayiu est mon esclave personnelle. Et je tiens déjà beaucoup à elle. Si tu veux un autre esclave de ma caravane, et si tu peux l’acheter, il est à toi. Je vous ferai un prix en remerciement d’avoir ramené ma fée. Mais Nayiu n’est pas à vendre.

L'Ogre cherchait une fée de compagnie depuis bien longtemps alors je m'attendais à cette réponse. J'ai un Maître et ce dernier ne compte pas se séparer de moi. Quelque part, l'entendre le dire me rassure malgré tout plus que je ne l'aurais cru. Je reste une esclave défaillante, qui vient de se perdre qui plus est alors, il aurait pu revenir sur son choix. Il a tous les droits sur moi. Aussi, un léger soupir de soulagement se perd dans mon sourire. Tisdall avait raison, je vaux encore plus que je ne le croyais.

- Parce qu'un bébé c'était à vendre? Ceux qui font ça, ce sont des monstres! T'ES QU'UN MONSTRE !!!!

La colère soudaine de léo me prend totalement de court. Mes yeux s'écarquillent alors que mon regard se tourne en direction de l'éclat de voix qui déjà s'éloigne ? Interdite, je suis la scène de mon mieux, me sentant perdue pour le coup.

- Veuillez excuser mon petit-frère, ce n'est qu'un enfant.
Au revoir monsieur Morag, au revoir, Hana-yuki.
Bon retour.
Rentrez-bien.
"- ... "

Les mots ne sortent pas tant la surprise est encore forte. Et honnêtement, je ne sais pas ce qui me surprend le plus. La colère de Léo, le calme d'Hanzo, le silence tombé alentour, cette sorte de résignation qui flotte dans l'air, mon propre hébétement. Comment les choses ont-elles pu virer si vite de la sorte ? Je ne comprends pas et me contente de garder le regard fixé devant moi, là ou les silhouettes ont disparues de mon champs de vision.

Comment s’appelaient-ils ?
"- Kou' et Léo. "

Au soulagement d'être de retour, se mêle maintenant une forme d'inquiétude diffuse de ma part. Ce genre de scène, je n'en avais jamais vu. Et rien dans la discussion que nous avons eu ne me laissait présager une telle réaction. Certes, ils m'ont parlé de liberté mais ils n'avaient pas non plus insisté. Peut-être me suis-je mal exprimée en étant avec eux ? En tout cas, l'ambiance est clairement plus tendue à présent, pour tout le monde. Si même Hanzo en maque de perdre son glamour, ce n'est pas bon signe.  

Si d’aventure, tu venais à les recroiser, Nayiu, prend bien garde. Ce genre d’individus pensent que l’esclavage est une mauvaise chose, et il est arrivé que des personnes comme eux s’en prennent à des marchands, ou à leurs esclaves. Les membres de la Confrérie sont des chasseurs de têtes, nous savons nous défendre. Mais ils ont aussi tendance à proposer la liberté aux esclaves, même s’ils ne peuvent pas ôter les Sceaux, mais parfois, si un esclave refuse leur offre, ils s’en prennent à lui aussi. Il vaut mieux jouer leur jeu que d’être inutilement blessé, ou pire, tué. Je sais qu’avec tes yeux, tu ne pourrais pas te prémunir d’une nouvelle rencontre. Néanmoins, la prudence est mère de sureté.

S'en prendre aux marchands d'esclaves? je crois que j'ai déjà vaguement entendu parler d'un cas de ce genre mais venir s'en prendre à un esclave ? Un grand frisson me secoue de la tête aux pieds en prenant note de ses paroles. Ils ne feraient pas cela, si ? Que pourraient-ils y gagner ? Trop perdue pour répondre réellement, je me contente de hocher la tête sans savoir s'il verra ou sentira mon geste. Etre blessé voir tué pour la simple raison d'être un esclave et de respecter sa condition ? Voilà une réalité dont je n'avais pas pris conscience et qui ne me rassure pas vraiment.

On va déjà éviter de reproduire l’incident d’aujourd’hui. Iron Bull n’a pas le droit de t’approcher à moins de deux mètres pour les dix jours à venir. Et si tu sors sans moi, c’est uniquement avec Schrizka. Les gardes, vous veillez à ce qu’on ne voit pas les deux urdiriens par ici jusqu’à ce qu’on quitte la ville. Et moi, je vais prendre ma soirée, mais je te confierai à Caleb.
"- Bien, Maître. "

Son geste de venir me tapoter la tête m'apaise un peu sans parvenir à réellement me faire retrouver mon calme. Et en venant intégrer les consignes de l'ogre, je ne peux m'empêcher de penser que finalement cette sortie était une mauvaise idée. Le pauvre Iron Bull n'aura même plus le droit de s'occuper de moi dans les jours à venir et l'ambiance est clairement plus lourde à présent. Tout cela par ma faute.

"- Je suis navrée... pour ce qui est arrivé.
Je serais plus prudente à l'avenir, c'est promis."

En tout cas, je ferais de mon mieux. Je ne peux jurer que cela ne se reproduira plus mais je ferais en sorte que ce ne soit pas le cas. Et malgré l'angoisse légère qui maintenant demeure encore en fond dans mon esprit, il y a aussi une autre sensation qui vient elle doucement me réchauffer le coeur. La gratitude que m'inspire leur geste. Parce que je n'ai pas oublié ce qu'à dit Caleb et que cela me touche sincèrement, de savoir qu'ils se sont inquiétés pour moi. Au point de me tirer un sourire.

"- Merci à tous... de m'avoir cherché.
Merci beaucoup."